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Enchaînement...
Quinzième poème...
Quinzième poème, je le sème à fleur de page, avec son soleil au dessus des nuages gris du matin, avec son reflet d’eau à l’œil, avec son radiateur en fonte blanc, là...
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Avec le chat dans le fauteuil en rotin, avec le vin caramel dans le verre, avec son arôme de café au palais, avec je ne sais quoi d’épices sur la langue, avec la vie à sourdre comme eau à jaillir...
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Vie, être...
Seizième poème...
Écrire le seizième poème, à l’aveugle, sans rien à écrire comme à faire naître ou à faire se déployer... Écrire ce poème, ce seizième petit morceau de ce qui m’est...
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Écrire sans se poser de questions, écrire au fil de la mine... Écrire une petite chose détachée de moi-même et de ce rien à tête d’être...
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Écouter la nuit, l’écrire avec son corps d’ombres et de lumières...
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Écrire ces mots, rien que pour leur musique, et pour ce qu’ils désignent, pour ce qu’ils laissent à voir...
Dix septième poème...
Dix septième intaille dans le rien à tête d’être, dans l’être à tête de rien...
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Dix septième chant de la mine grise sur le champ du papier du carnet de poèmes...
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Dix septième arpent de mots écrits avec ses bornes fichées...Poème avec limites...
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Poème qui se finit, là... Parce que le moment d’écrire va être réduit à rien, parce que je passe à autre chose...
Dix huitième poème...
Dix huitième page de poèmes, de ce qui a été fait de mes mains...
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Page de lettres ajoutées, et qui forment un voile tissé...
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Voile de mots, voiles d’instants projetés sur l’écran de l’ordinateur...
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Voiles dévoilés, mots qui projettent leur noirceur de signes sur la page blanche...
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Mots qui me projettent, là, juste où et quand je vis, à présent...
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Dix huitième page de signes...
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Poème à part, poème de ce soir, poème sans un « je t’aime » autre que le baiser adressé aux choses, et aux êtres...
Dix neuvième poème...
Dix neuvième poème, je le sème à même la chair du papier, dix neuvième page de sève, dix neuvième poème des sables ensablés, des flux de vie pris dans le sablier de l’écrire...
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Dix neuvième texte tissé de mes mains telles doigts pincés sur plectre, sur la corde des mots...
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Dix neuvième plongeon dans la nasse des choses, dans le filin des mots tracés, écrits...
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Dix neuvième ressac de l’Après, avec ses vagues à rouler sur la plage de la page... À mourir-là, à la fin de cette ligne d’être...
Vingtième poème...
Vingtième poème, des braises rouges et des charbons noirs, cadavres du feu...
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Vingtième page des mots jetés, loin, au devant de moi-même... Mots projetés tels l’encre de chine soufflée par la bouche de celui qui encre la feuille blanche d’une pluie noire...
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Mots tels ramures, frondaisons, branches... Mots, moi d’arbre, de tronc, de racines.... Mots tels rameaux pour l’entrée de l’être dans son territoire, celui du rien à figure de ce qui paraît être, celui du vide à tête de quelque chose...
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Vingtième poème écrit à même la page du carnet, mots semés, mots récoltés, mots à dévaler la ligne, mots à cavaler, mots pas ravalés, mots en liberté... Ou presque...
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Mots, mes mots, qui ne sont pas mes mots... Mais, mes mots quand même...
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Vingtième poème, je l’écris juste avant l’Avent, mais après l’Après...
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Je l’écris, je vis...
Vingt et unième poème...
Vingt et unième page, page de poème, poème de l’hirondelle qui plonge, bec le premier, dans le champ de blé et de terre...
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Poème du chat sur le lit, à ronronner... Poème de ses moustaches, de sa queue...
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Poème des feuilles d’arbre tout à l’heure, à voler au vent...
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Poème de la main sur la fourrure, de la tête du chat à se frotter contre la main et contre le carnet de poèmes, où j’écris ces mots...
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Poème d’étoiles dans le ciel, poème de lune dans la nuit...
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Poème de mots, à tourner sur eux-mêmes, poème de mots à faire leur révolution de signes...
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Mots et poèmes revenus à ce qu’ils étaient, une idée...
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Adieu, mon poème de décembre, mon poème idée...
©
Poupet
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