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À ma mère
La tristesse donne un air sombre et sévère au visage de maman dont le regard semble traverser toute chose, percevoir dans le lointain quelque vérité terrible et muette qui captive son âme.
Quelle pudeur absurde me retient de serrer contre moi son corps de petit oiseau amaigri, outragé par le travail du temps ?
Il n’y a pas une parcelle de moi-même, une once de ma chair ou de mon sang qui ne refusent de voir impuissant s’évaporer avec son corps, l’âme de maman.
Son âme… apeurée par les affres de l’oubli, la perte des souvenirs, l’incompréhension du monde, s’est réfugiée dans la tristesse désabusée de son sourire ; tristesse fugitive qu’un revers bref de la main repousse plus loin, pour ne pas inquiéter, pour protéger le plus longtemps possible ceux qu’elle aime.
Pauvre maman Jeanne, la vague géante de ton amour viendra s’échouer un jour à mes pieds. Alors toute l’écume de ta vie roulera sur la mienne.
©
Rolland
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