CRITIQUES
Curieux livre que celui-ci. Curieux et plaisant. Des poèmes de voyages, écrits sur la route : paysages, sensations, émotions, recherche des traces de l’homme et du temps… Une écriture proche de la photographie comme souvent dans cette géopoétique de l’écriture chère à Kenneth White. Des peintures totalement abstraites. Une mise en écho via les couleurs, les formes, les rythmes. Un livre inversé si on peut oser ce terme et c’est ce qui lui donne sa personnalité propre et nous invite à y revenir comme on revient sur et dans les paysages qui nous fondent, nous parlent, nous re connectent au monde et à nous-mêmes. Un livre d’éditeur et bravo !
Patrick Joquel
Un ouvrage bien construit, où les peintures de Jean Kerinvel apportent de la dimension et de la couleur à la poésie de Bernard Grasset.
Le regard de Bernard « contemple les volutes du mystère » qui plane autour de chaque lieu qui l’interpelle, une fontaine, un jardin, un clocher, la Loire, les vignes…, tous des endroits où la mémoire s’incruste et ne décolle pas.
Les hommes tissent le chemin, au détour des rues, au retour de l’océan ; ils « écoutent la lumière » qui les illumine et les éblouit tout à la fois.
C’est à chaque fois l’éloignement (le train ; le bateau : « partir encore vers le large »), l’errance (« marcher encore, gravir ») mais aussi le retour sur soi, vers son pays ; mais il faut revenir par le « chemin dans les ruelles » tout tracé pour découvrir encore et encore d’autres lieux, d’autres liens.
Si Bernard Grasset recherche la liberté, la lumière, l’évasion, il est aussi le poète du retour, de la « résistance ». Son cheminement ne s’arrête jamais : « L’écho des années/Prolonge l’aventure ».
L’auteur voyage sans arrêt et alterne entre partance et revenance, à la recherche du Jardin oublié.
Jean Kerinvel, grâce à ses peintures, développe une abstraction aérée et vive, où l’on discerne sa volonté de casser une géométrie trop stricte, un agencement trop étriqué vers un espace surdimensionné, qui s’ouvre sur des horizons de découverte et de liberté.
Une association entre peinture et poésie qui a sa raison d’être.
Un ouvrage passionnant à découvrir.
Patrice BRENO
Deux artistes - un poète philosophe et un peintre - ont réuni leurs talents pour nous offrir un très beau récit de voyage. La plume de Bernard Grasset, marcheur artiste pétri d’humanisme, alliée au pinceau de Jean Kerinvel, qui a longtemps enseigné la philosophie, invitent à découvrir des paysages de l’Ouest et d’ailleurs. On se laisse bercer par la musique des mots et transporter par le jeu des couleurs.
Une petite pépite qui parcourt aussi des chemins plus intérieurs. Matin d’aventure / Au-delà des vignes, / Des refrains d’ardoises / Jaillit le ciel bleu cristallin / La Loire, long fleuve gris, / Traverse le pays d’enfance, / Rives de peupliers, / Ode de pierres blanches.
François Vercelletto – Ouest-France
Nous sommes très heureux que les pérégrinations de Bernard Grasset, assurément l’un des meilleurs poètes vendéens actuels, l’aient amené à faire escale chez Soc et Foc. La première partie de la trilogie avait été publiée en 2008. La troisième est en cours d’écriture. La rencontre d’un lieu et d’un moment privilégié fait ensuite sourdre un poème, goutte à goutte. À travers ces textes, le voyage est exploration et recherche, de l’univers aussi bien que de l’humanité. Le sens profond de la vie apparaît alors à travers des mots simples. C’est la magie qui habite le poète. Les peintures aux couleurs éclatantes de Jean Kerinvel donnent richesse et complexité comme en contrepoint. Un livre splendide.
Écouter, chercher,
Silence des heures,
Écrire, vivre,
Arpèges du cœur
A.P. – Lire en Vendée n° 28
L’aède chante : Parole et mémoire, / Jardins de lumière, / Au cœur de la cité / Une mélodie s’embrase... Vous souvenez-vous du voyage d’Ulysse ? Oui, bien sûr, qui pourrait oublier l’immense et aventureux retour d’un être vers sa patrie ? La mer encore et le vent / Le phare des lointains / Une main creuse le temps. La quête, la recherche nostalgique de l’essentiel, la navigation de lieu en lieu comme autant de découvertes de l’homme, ce chant qui nous vient d’une source de lumière, celle de la Grèce découvrant la liberté, la beauté, et la destinée humaine... Aube, le soleil rougeoyant / Éveille un monde nouveau, / À la proue je me tiens libre / Dans le vent de l’infini.
L’exil du chemin, / Braise et chants, / Veiller, attendre / Les rives de demain. D’île en île, de chant en chant, c’est bien à une odyssée que Bernard Grasset nous convie dans ce second voyage des Hommes tissent le chemin, une odyssée calme et splendide, le regard du navigateur fixé sur les peintures rayonnantes de Jean Kerinvel (pas moins de dix-sept reproductions sur quarante-deux pages) : Dans le soleil brûlant de midi / Une si longue montée / Mère de la plus haute colline // Des bateaux donnent, / S’éveillent du port antique / Cristal de lumière. Dans cette odyssée cependant, nul monstre, nul danger ne paraît guetter, tout est calme, lumière, liberté. Ou plutôt, entendant traverser l’ombre, la lumière, par des mots forts et simples, en un style limpide et assuré, le poète bâtit Ne pas déchirer, simplement bâtir. Il bâtit en effet ses poèmes en autant de lieux que de peintures, en traversant la Méditerranée et l’Europe, et l’on navigue sur la Loire et le Rhin, et l’on se mêle parfois à d’autres peuples... Ah oui, ces pages se lisent sans difficulté, avec la simplicité donnée par l’écriture de la clarté et du bonheur, du beau mystère, de la belle aventure. Si loin que nous soyons allés dans notre propre expérience humaine, nous lisons ces poèmes éblouis, nous passons et nous y revenons, car c’est là notre demeure, et notre liberté, Entre angoisse et attente, Errance et retour, / Athènes s’efface, demeure, / Comme une pure liberté.
Et ce lieu, notre lieu, nous remercions l’auteur de nous le montrer, sur l’île grecque qui ici réapparaît, la liberté : Eau et soleil, / Temple d’Aphaïa / Aux claires colonnes // La route monte / Comme un chant / Dans le bleu azuré.// Vergers du silence, / Chapelle de blancheur / Tout signe l’ailleurs. // Encens et jetée, / Entre ciel et mer / L’île disparaît.
Olivier Massé – Diérèse n°65
Le lieu intérieur, pur
Résonne d’un éclair
Où se penchent nos vies
Poète passionné de musique et de peinture (là avec Geneviève Roch dans le « Chemin de feu », ici avec Jean Kérinvel), traducteur (de l’hébreu, du grec), philosophe (un essai sur Pascal), Bernard Grasset est surtout poète (18 recueils depuis «Racines » en 1995). Voyageur des signes, découvreur de l’univers, Bernard Grasset nous emmène soit à la montagne (au pays des lauzes) soit en Camargue, soit en Grèce, aux bords de la Loire (ou du Rhin). Si l’on se réfère au champ lexical, Bernard Grasset nous parle de cheminer, gravir, marcher, écouter, vivre ou alors il s’agit de dualités (l’accueil, la source ; la lampe, le souffle ; les colonnes, l’horizon). Mais cette poésie emprunte aux poètes espagnols (pensons à Calderon de la Barca, à Juarroz) : c’est une poésie hauturière qui se rapproche de Daumal par son goût de l’escalade (spirituelle)
L’accès du monde solitaire
Ouvre sur le silence, l’infini
Toute liberté, tout bonheur
Jaillissent au fond du silence.
Proche de la Grèce (de ses signes, de ses oracles, de ses sphinx), Bernard Grasset fixe son regard sur les crêtes, dans une luisance aurorale ; amoureux des cyprès, des fontaines et des sources, le poète va de l’éclair à la foudre, de la lampe à la lumière, du souffle à l’intériorité :
Vergers du silence
Chapelle de blancheur
tout signe l’ailleurs.
Bernard Grasset célèbre la juste parole, il marche libre dans la nuit du mystère et suit la voie de l’attente, celle où « Les hommes tissent le chemin ».
Gérard Paris, Concerto pour marées et silence, revue
Bernard Grasset avait qualifié son précédent livre (Chemin de feu, éditions du Lavoir Saint-Martin, 2013) de « journal poético-culturel en quête de lumière ». Les textes qu’il publie aujourd’hui sont à l’avenant, accompagnés également par les œuvres d’un peintre de talent (Jean Kerinvel). Nous voici de nouveau avec lui en chemin, dans un voyage poétique, qu’il qualifie d’ « aventure, exploration, accueil des sources ».
« Les hommes tissent le chemin », nous dit donc Bernard Grasset. Avec eux, il file la trame des lieux et des instants. Le poète ligérien – il vit en Vendée et travaille à Nantes – éprouve de tout son corps (et de tout son cœur) des moments vécus intensément : ici entre « oliviers et amandiers », ailleurs entre « bruyères et fougères ». Ambiances méditerranéennes d’un côté, atlantiques de l’autre. Pas de lieux nommés, mis à part – comme involontairement – la Loire, le Rhin et la Grèce. « Liberté au lecteur, nous dit Bernard Grasset dans la préface de son livre, de parcourir ces lieux et ces temps sans nom pour leur donner la couleur et la musique de sa propre vie ».
Pour autant, le poète ne dédaigne pas de prendre, à l’occasion, le lecteur par la main. Sous sa plume des mots-clés surgissent en forme d’appels : « Ecouter », « chercher », « écrire », « vivre », « marcher », « penser », « contempler », « écouter »… Comment ne pas penser à cette phrase du poète Gustave Roud : « Nous étions nés pour la contemplation, mais quelque chose d’autre nous est imposé sans merci».
Bernard Grasset nous conduit précisément à cette exigence de contemplation. Beauté du monde, donc, charme des lieux. Oui, parce que voyager poétiquement, affirme Bernard Grasset, c’est « rechercher un sens à notre destinée en marchant inlassablement vers un jardin de lumière cachée ». Le poète, dit-il encore, est « le déchiffreur de l’univers ». Belle mission qu’il s’assigne à sa manière. Ainsi, sous sa plume, « La Loire murmure/l’autre pays » et « l’accès au mont solitaire/ouvre sur le silence, l’infini ».
Le poète allie ainsi subtilement, tout au long de son livre, la méditation philosophique (et spirituelle) aux énoncés les plus concrets sur la simplicité des jours. « Un banc de pierre/des moineaux, le vent/la lueur d’un vitrail/habite la pénombre ». Mots élémentaires, presque ascétiques, pour dire la plénitude.
Pierre Tanguy / Recours au poème http://www.recoursaupoeme.fr/critiques/fil-de-lectures-de-pierre-tanguy-bernard-grasset-olivier-cousin/pierre-tanguy
La Loire pays d'enfance, ou paysage du matin, le murmure ou l'écho des années, une lampe ou le souffle d'un ami se multiplient au gré des poèmes pour tisser un chemin tout intérieur. Illustré par les peintures habitées de Jean Kérinvel.
Racines- Septembre 2016 |