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LA TERRE EST ROUGE
texte de Philippe LATGER illustré par Robert SANYAS
Philippe LATGER est un homme pétri de chair et de terres. Celle de sa ville mère, en Catalogne, véritable phare bienveillant, et de toutes celles qu'il parcourt au gré de ses rencontres et des hasards de la vie. Une vie qu'il regarde en face, dans sa diversité. Les coups de cœur comme les coups au cœur. Par l'écriture, cet authentique amoureux nous dit que certains sentiments ne meurent jamais. Qu'ils sont liés aux accents, aux odeurs et couleurs des lieux dans lesquels nous les éprouvons.
Comme en écho à ses mots, se déploie l'œuvre du peintre catalan Robert SANYAS qui se nourrit aussi de la matière, faisant de chaque toile le cadre d'une rencontre particulière. De ce même pays, violent, de lumière, de pierre et de sang, les deux artisans se répondent, échangeant ces précieux éclats de vie, à l'état brut, livrés ici en partage.
Alexandre Laborie
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CRITIQUES
Les éditions Soc&Foc, parmi leurs diverses activités, publient une collection d'ouvrages (disponibles sur commande cf. présentation du livre) qui propose d' « associer un poète contemporain à un artiste plasticien ou un jeune graphiste au talent prometteur. »
C'est dans ce cadre que se présente La terre est rouge, constitué de textes de Philippe Latger, auteur installé à Perpignan, et d'œuvres picturales de Robert Sanyas, également originaire des Pyrénées Orientales, dont l'atelier se trouve près de Montauban.
La terre rouge est la terre de Catalogne, France et Espagne réunies, berceau du poète, source inépuisable d'inspiration, où les mots prennent racine et s'épanouissent au gré des saisons et du temps qui passe, des voyages en train, des amours à vivre et des sentiments à éprouver avec une intensité solaire et fiévreuse, de l'homme en perpétuel mouvement et en quête incessante de ce qui le constitue et de ce à quoi il aspire, avec aux oreilles et au cœur la musique des sardanes et des guitares gitanes, sur les lèvres le goût du citron et des baisers de l'être aimé, aux narines les effluves d'une branche de tomate, et le corps tout entier frémissant de la sensualité aux couleurs sang et or d'un héritage méditerranéen.
Les mots voyagent… nous voici à New-York, terre étrangère où l'auteur ressent avec urgence le besoin de raconter ses racines qui lui remontent au nez et à la gorge. Partir loin, fuir, traverser un océan pour retrouver sa Méditerranée…
Alors une artère new-yorkaise peut bien devenir une rue catalane, Manhattan s'essouffler sous la Tramontane, le jazz du Cotton Club revêtir les harmonies de sardane, les lieux d'ici ou d'ailleurs se répondent au cœur de celui qui se souvient de ce qu'il a été et pressent ce qu'il sera.
Après les lieux, voici les êtres : les fantômes de l'enfance, qui à leur tour convoquent leur propre passé, une mémoire à transmettre, une mythologie familiale revient à la surface liquide d'un étang entre terre et mer, de la Méditerranée nourricière ou de la Garonne reflétée dans les yeux d'une Louise Brooks occitane.
Puis, au cortège du souvenir voici que s'invitent les amours brûlantes comme le sable de la plage en été, auprès desquelles le corps jamais rassasié vient tour à tour s'épuiser et se régénérer, s'inscrire dans le cycle de la vie et de la terre, avec dans les veines le sang de la vigne, conjurer l'usure du temps, l'oubli inconcevable, la mort d'une mère adorée trop tôt arrachée que l'on viendra rejoindre à l'heure dévolue par un dieu hypothétique.
Et voici que l'œil du lecteur se pose sur les œuvres du peintre.
Les peintures de Robert Sanyas n'illustrent pas le texte, mais y répondent en écho. Les mots parlent, les mots donnent à voir. La peinture s'exprime, les couleurs et les formes dialoguent avec le poème.
Les couleurs, les formes abstraites, les lignes, les jaillissements font rythmes et perceptions. La matière est presque palpable, rappelant la terre, la pierre, le terroir.
Le regard vagabonde du texte à la peinture et inversement, continuant le même voyage, sans rupture de ton, dans une correspondance Baudelairienne en miroir qui ouvre des horizons parallèles.
J'ai entendu de la musique dans ces accords littéraires et picturaux. La peinture accentue le visuel, le texte l'olfactif, le tout produit de l'audition, offrant ainsi une gamme complète de sensations. On baigne dans la lumière du sud comme on baigne dans une sensualité méditerranéenne. Par moments, le texte renvoie à l'intime et le tableau à l'universel, puis, dans une mystérieuse réversibilité, le contraire se produit. L'écriture et la peinture existent de façon autonome, on ne sent pas l'une dépendante de l'autre, chacune propriétaire pleinement de son espace, sans empiéter sur l'autre, s'interpénètrent, et la force de cette autonomie partagée et commune donne au lecteur la possibilité d'inscrire son propre monde intérieur dans l'espace qui lui convient au moment où il le désire. Ainsi, il peut participer à la vibration douce et sensuelle qu'engendre cette création à deux voix. L'union enfantée, charnelle et mystique, est alors de l'ordre d'une puissance tellurienne. Incarnation poétique. le mot est chair, les couleurs mordent. La violence est latente, sous l'indolence trompeuse. le regard prend son temps, s'attarde, mais reste aux aguets. L'embuscade n'est jamais loin, au carrefour de l'enfance et du présent, du souvenir qui déchire et réconforte à la fois, de l'évocation des lieux désormais disparus que l'on convoque au repas épicé de la vie.
La terre est rouge. Le sang circule épais comme jus de tomate, transporte l'oxygène et les aliments. de New-York à Perpignan, de la mer à la terre, du geste à la pensée, l'enfant devient homme et prend la parole. Dans ses silences, résonne la couleur. du vide de l'absence naît la forme. le voyage initiatique n'a pas de fin. le poète-prophète reviendra au pays plus fort mais le cœur toujours tendre.
Mais l'art protège ses mystères, et nous échappe toujours. L'alchimie opère, la parole et la toile transpirent sang et or à la chaleur des émotions. Nous sommes chez nous, en nous.
Geneviève Colonna
Pays Catalan. Nord et Sud. Perpignan, Collioure, Barcelone… La mer. La montagne. Une révolution toujours prête. Un livre à la Cendrars, à la Césaire… De la poudre de Pâques à New York (où l’auteur a vécu et demeure en lien), des bruits de Talgo et d’amour… Un retour au pays natal après l’exil américain… Un livre à mettre en voix, en scène avec en toile de fond les peintures lumineuses et solaires de Sanyas.
Un livre envoûtant. Nostalgique et empli de tramontane. Un livre à lire en été en plein cagnard matinal ou sous l’ombre des pins maritimes, un horizon bleu pour y reposer ses yeux de lecteurs écarquillés.
Patrick Joquel
Sept longs poèmes sont ici rassemblés pour composer un recueil qui se lit comme un chant d’amour pour la Catalogne. « C’est ici que je suis né », écrit Philippe Latger, « je suis chez moi, sur mes terres ». Cette revendication personnelle et ce retour aux racines d’une enfance s’accompagne d’une ouverture à toutes les diversités que l’on peut rencontrer dans cette région à cheval sur trois pays. Des incantations aux exaltations, des admirations aux révélations : tout y est dans un riche arc-en-ciel où se bousculent « mes couleurs, intenses, insoutenables de lumière ». Après de nombreux périples au Canada et à Paris, l’auteur retourne sur ses terres : « Je cherche, sachant que je n’ai nulle part où aller ». D’un train à l’autre, de Barcelone à Perpignan ou l’inverse, les trajets sont peuplés d’émerveillements et les destinations ouvrent de nouveaux horizons : « La nuit, à Barcelone, est une promesse ». Le poète semble trouver là un apaisement sur cette terre, rouge « du sang qui s’est répandu en granulés de terre pour nourrir la vigne ». On lit ce beau recueil un peu comme on lirait et relirait avec bonheur la célèbre Prose du transsibérien de Blaise Cendrars à qui l’on pense spontanément en parcourant ce livre.
Georges Cathalo - Friches
Ici la terre est rouge.
Le sang s’est répandu en granules de terre pour nourrir la vigne.
Elle pousse dans ma gorge.
C’est ici que je suis né.
Poète du quotidien jonglant entre l’instant, le jour et les années inembrassables, Philippe Latger fait d’un lieu fondamental – le perpignanais, rendu par lui humable et palpable –, la source d’un rapport au monde d’une acuité et d’une ouverture souvent saisissantes. L’ancrage très évident de cette poésie dans notre aujourd’hui semble à la mesure de son insertion dans une tradition lyrique très longue, à la fois populaire et savante, égotiste et intimement tournée vers ce qui n’est pas lui. Les éditions Soc & Foc offrent ici une rencontre avec un fil de ferriste de la sensation faite verbe ; la présentation écrite de cette parole si bien faite pour la profération trouve dans l’œuvre de Robert Sanyas un répondant sensible à sa mesure – en direction d’un public nettement tourné vers l’âge adulte.
Dominique Perrin - Li&Je
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Écrivain : Philippe LATGER
Chroniqueur et journaliste pour le magazine Québec Canada, Grandeur Nature, Philippe Latger réside à Montréal de 1998 à 2001, année où il publie d’abord dix textes dans le Damier 2 (France Europe Éditions) puis Textures (La Bruyère) à compte d’auteur.
C’est Lambert Wilson, en 2000, qui le découvre au cours du spectacle Lettres à ma Ville, à Perpignan, sa ville natale, pour lequel il écrit deux textes dont La terre est rouge.
Il travaillera comme parolier pour le comédien à la préparation d’un album, notamment avec Art Mengo. Il donnera finalement deux textes à ce dernier dans La vie de châ...
| | Illustrateur : Robert SANYAS
Robert Sanyas vit dans le Sud-ouest. Il a fait des études à l’académie d’art de Besançon. De 1970 à 1972, il effectue un voyage d’étude en Italie. En 1988 il étudie les techniques lithographiques à Lamspringe, Allemagne).
Il est en résidence à la Heitland Foundation (Celle, Allemagne), puis, en 1990, à la Kruger Fondation (Coume, France) et en 1993 à la Klostermuhler (Lamspringe, Allemagne). Depuis 1988, il expose en France, Italie, Espagne, Allemagne, Autriche et USA. Divers magazines et catalogues s’intéressent à son œuvre. ...
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