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COMME UN CHUINTEMENT D'AIR

texte de Patrick JOQUEL
illustré par Nathalie de LAURADOUR

Où est-ce que ça se passe ?

Des lignes brèves, rythmées, un solo de jazz au lyrisme discret, maîtrisé, accompagnent le randonneur, au bord du silence. « Sais-tu / que certains matins d’hiver / du mirador / on aperçoit la Corse » : le mot mirador propose, dès le début, la trame du poème en contrepoint, le double point de vue, métaphorique et réel, de la montagne et du monde carcéral.
Patrick Joquel nous fait « grimper / au plus haut du langage ». Il parcourt un espace méditerranéen fait de lumière et de roc. Le roc est un défi pour celui qui avance, mais les mains s’y blessent. Sentiment de liberté pour celui qui atteint le sommet, mais quelle liberté quand il porte en lui l’expérience des verrous qui se referment sur les taulards – le souvenir à vif d’un « petit carré de ciel rayé », d’un univers de béton et de barbelés ?
Le poète, nous dit Patrick, n’est jamais seul dans sa solitude. Il parle, il témoigne avec des mots de tous les jours. Leur chuintement est vrai parce que ce monde-là est vrai dans son ombre et dans sa lumière. À la limite, « tu ne dis rien / tu écoutes ». Et tu regardes, fasciné.
Dans l’image de couverture réalisée par Nathalie de Lauradour, le rapport entre les barreaux et le paysage est, comme dans le poème de Patrick, à la fois d’une grande brutalité et d’une grande douceur. Je pense au tableau de Magritte, Le blancseing, où une cavalière est posée à plat, coupée à contre-temps par les arbres ; je pense aussi à Paolo Uccello qui rythme l’espace avec la verticalité des arbres dans La chasse et celle des lances dans La bataille de San Romano.
Le texte et l’image s’insèrent dans une continuité profondément humaine où le passé et le présent s’éclairent mutuellement. Il reste au lecteur à apporter sa propre expérience, sa propre sensibilité – savoir être vigilant, savoir reconnaître le mur qui nous entoure et qui nous traverse dans l’usure du quotidien le plus banal, le plus anodin : « Il te râpe / et / lentement / te transforme / en sable ».
Claude Held

 

48 pages - Quadrichromie - 19 X 19 cm - Broché
2011
ISBN 978-2-912360-68-7

 
 
 

CRITIQUES

     Après quelques années de maturation, ces poèmes écrits à la suite d’interventions de l’auteur en milieu carcéral laissent des traces ineffaçables. Parties émergées d’un énorme iceberg, ils ne parviennent pas à disparaître, et pour cause car ils traduisent avec pertinence la terrible sensation qu’est la privation de liberté. Derrière ces grilles et ces murs, dans les cellules et dans les couloirs, on s’efforce encore de se croire vivant alors que le cri des serrures / étouffe / un à un / les mots. Ce sont pourtant ces mots qui permettent de grimper / au plus haut du langage / afin de renouer avec le sens. L’espoir peut venir d’un simple papillon de nuit entré par la fenêtre, preuve qu’aucune barrière n’aura raison de toi / aussi longtemps / que tu resteras fidèle à toi-même. Les originales illustrations imaginées par Nathalie de Lauradour apportent à cette suite une dimension supplémentaire comme un rappel permanent de l’enfermement tout en embarquant l’imaginaire sur des itinéraires résilients tels que des fragments de ciel ou des feuilles de papier. Avec les mots, le dilemme demeure : Te livrer ou te retenir / Là / est ta liberté.
Georges Cathalo
 
Claude Held préface le parcours de « lumière et de roc » de Patrick Joquel qui s’accompagne des très belles illustrations « faiseuses de rêve » de Nathalie de Lauradour.
Dans l’après coup d’un atelier d’écriture avec les prisonniers de la maison d’arrêt de Grasse, ont surgi ces poèmes « icebergs étincelants » de la mémoire, « chuintements d’air ».
« Le cri des serrures /étouffe/ un à un /les mots » et comme « respirer déchire la langue », il y a nécessité vitale de renouer avec le sens. Le mur auquel se heurte le prisonnier est aussi le nôtre qui nous « râpe», nous oppresse et cependant s’émiette un peu quand dans notre « petit carré de ciel rayé », une voix rencontre d’autres voix avec possibilité d’un envol. Lorsque « le poème vit séparé de la terre » et que la semence a déserté, il faut du temps, beaucoup de temps pour que « dans le simplement humain », les mots puissent advenir. Ilfaut alors oser, oser dire dans la langue de l’autre, qu’elle soit celle du prisonnier ou celle du papillon. Puisque existent l’arbre, le rocher, le ciel, « tant de lumière en toute saison », « aucune barrière n’aura raison de toi ». La création recule les frontières et casse les barreaux. Le poème excède le seul poème, engage tout l’être dans ses postures et ses actions.
Pour approcher l’enfermement, un très beau livre au toucher doux et agréable.
Une liberté des mots qui « en toute impunité » sautent les murs, les barbelés. La vitalité des couleurs de Nathalie de Lauradour donne plein d’air aux chuintements.
 Jacqueline Persini-Panorias

Prison. Le contraste entre l’univers carcéral et, au-delà de la grille, la luminosité méditerranéenne. Le dedans et le dehors. Le poète perçoit les sons de manière aigue : le choc sourd des verrous/électroniquesle cri des serrures. Une parole à la fois grave (la prison) et légère (le pouvoir d’évasion par les mots et l’imaginaire). 
Un mur tourne autour de toi
il te râpe
et
lentement
te transforme
en sable
chaque grain compte les jours. 

Ce livre a mûri après une série d’ateliers d’écriture avec adultes et mineurs à la maison d’arrêt de Grasse : des moments, des visages, flottent encore et toujours dans ma mémoire, icebergs étincelants ; ces poèmes en constituent comme les parties émergées. Nathalie de Lauradour ose la couleur, encres et papiers déchirés. Elle travaille sur la verticalité et l’horizontalité avec des bandes découpées qui barrent et structurent l’espace. La prison mais malgré tout des espaces d’apesanteur et de rêve comme avec ces portes suspendues.Un très beau travail graphique qui joue avec les poèmes forts et humains. Une nouvelle réussite qui cèle le duo Joquel/Lauradour après Maisons bleues paru en 2007. Dès le collège et lycée. 
O.B. Inter CDI

Livre de poèmes, livre d’art tout à la fois, magnifique objet que cette publication de Patrick Joquel qui reste entre nos mains bien plus présent que le « chuintement d’air » de son titre. Il propose une jolie réflexion sur l’essence de la poésie et le grand-œuvre de l’écriture, en même temps que la recherche d’un nouvel horizon, peut-être au-dedans de soi. Peut-être aussi à la rencontre des autres, tout bonnement en incarnant l’acte d’écrire.         
A. P. Lire en Vendée

 

Écrivain : Patrick JOQUEL

Patrick Joquel est né à Cannes (06) en 1959 et a grandi au Cannet, à Rocheville plus précisément. Après avoir vécu et enseigné en Angleterre, au Sénégal, dans le Mercantour, vallée de la Tinée, il est aujourd'hui professeur des écoles dans les Alpes Maritimes.
Il lit et écrit principalement de la poésie mais pas uniquement : romans, albums, pédagogie… Il aime travailler avec les artistes, rencontrer les poètes, lire en public, en particulier lors des lectures performances avec, selon les choix, Sara Pasquier (danseuse) ou Johan Troïanowski (illustrateur).
Il a grand plaisir à partir à la rencontre des lecteurs : dans leurs classes, les bibliothèques, les salons du livre…
Il aime autant la mer que la montagne, le soleil que la neige, les raviolis niçois que le poulet mafé de Kaolack, le tabouleh de Beyrouth que le fish and chips de Whitby… et tant d'autres choses de la vie…
Pour découvrir sa bibliographie, et via les liens de ce site, ses rencontres et des poèmes.

Dernières publications :
Poésie :
Perché sur ton planisphère, éditions Lo Païs. Illustré par Zaü. Ouvrage présent sur la liste des livr...

Illustrateur : Nathalie de LAURADOUR

Nathalie de Lauradour est née à Cannes (06) en 1965. Après des études artistiques à Nice (Villa Arson) et quelques années passées en Belgique, puis dans le Var, elle a retrouvé ses racines, à Mouans-Sartoux.
Elle n'a pas beaucoup voyagé mais je revisite le monde inlassablement du bout de ses pinceaux. Elle est peintre, aime la poésie, les contes et les belles histoires…
Les combats aussi, pour que demain n'existe pas que dans les livres.

Un jour, au détour d'une exposition dans l'arrière pays Grassois, elle a fait une rencontre. Des paroles puis des mots sont venus se poser à coté de ses tableaux. Elle les a trouvés beaux et l'aventure a débuté…

Elle continue à exposer ici et ailleurs et participe à des projets sociaux éducatifs aux côtés des enfants.
Elle est " faiseuse de rêves ", a beaucoup de plaisir à rencontrer tous ceux qui comme elle n'ont de limites que celles de leur imagination.
Artiste plasticienne depuis toujours, elle a désormais une nouvelle couleur sur sa palette, illustratrice....

 

propos de l'auteur

De septembre 1997 à mai 1999, le mercredi matin, de 8h 30 à 11h 30, j’animais deux ateliers d’écriture dans le service scolaire de la Maison d’Arrêt de Grasse : l’un avec les adultes, l’autre avec les mineurs.
Quelques années plus tard des moments, des visages, flottent encore et toujours dans ma mémoire, icebergs étincelants ; ces poèmes en constituent comme les parties émergées…

     
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