CRITIQUES

La poésie n’est pas une denrée périssable, aussi n’ai-je pas de scrupules à parler d’un beau petit recueil, paru en octobre 2010, que je viens de découvrir. Il s’agit en fait d’un long poème manuscrit de Xavier Bouguenec, plié en accordéon, accompagné de deux graphismes de Jean-Louis Pérou.
Xavier, que je connais pour l’avoir publié et rencontré du temps d’A Contre-Silence, m’a envoyé récemment ses « pommes » à déguster et j’avoue que leur saveur est tout à fait naturelle. Pas «calibrées », hors du circuit commercial, parfois « véreuses », « cabossées », « fripées », elles ont le cœur libertaire. Elles poussent où bon leur semble ; on les ramasse dans l’herbe ces « pommes jamais gardées/ ni par les chiens/ ni par le garde-champêtre ». Elles ne seront jamais au garde-à-vous dans des cageots, emprisonnées ; elles préfèrent se donner pour rien aux passants, aux « guêpes attardées », être « balafrées par les oiseaux ». Je les aime les pommes irréductibles de Xavier : elles ont « goût d’automne », de liberté sauvage, de pied de nez à l’uniformisation galopante, à la mise en grilles et en fiches, à la pensée programmée. Elles ont un « pied en accroche-cœur », « du rouge aux joues » pour nous redonner goût à la vie.
Jean-Noël Guéno in Texture.

Non madame, non
je ne veux pas de belles pommes
je veux de bonnes pommes…
Les trois premiers vers de ce petit livre accordéon "à l'allemande" (il se déplie verticalement) donnent le ton. Attaché à la ruralité véritable, Xavier Bouguenec rejette avec ce plaidoyer pour les pommes, tout formatage, toute bien-pensance de supermarché en matière de fruits et légumes. Les pommes qu'il aime, lui, ce sont les bonnes, même (surtout peut-être) les mal foutues, les cabossées, les inépluchables, les fripées… De là à penser que ce non-conformisme est à élargir à toutes les contraintes de la société de consommation, il n'y a qu'un pas… que l'on n'aurait sans doute pas tort de franchir.
Alain Boudet - La toile de l'un

Un livre accordéon. Pour célébrer les pommes. Celles de pays. Pas les pommes calibrées pour grandes surfaces. Non, les pommes sans grade. Les pommes sauvages ou celles des jardins. Les pommes à odeur de souvenir. 
C’est frais. Ça sent bon et c’est joyeux ! Pourquoi s’en priver ?
Patrick Joquel

Un long poème dépliant, facétieux et disert, qui décline au fil de ses vers la pomme en tous ses états. Un long poème à accrocher au coin d'un mur et à croquer par bribes, à chaque fois qu'on passe devant.
A. P. - Lire en Vendée

Un éloge des pommes, mais pas les pommes calibrées, cirées, poules de luxe de vergers de luxe ! Il s’agit bien ici des véreuses pour la compote, des fripées, des cabossées, des invendables, des balafrées par les oiseaux... Les plus savoureuses, des pommes de caractère !
Un beau texte court et rythmé sur les pommes d’antan, les pommes à souvenir. 
O. B. - Inter CDI

Ce joli petit livre conçu à la chinoise, c’est-à-dire qu’il se déplie entièrement, et verticalement, composé avec une belle typographie scripte qu’on croirait tracée au pinceau, est une ode unique aux pommes. Mais pas n’importe lesquelles, bien sûr. Pas les calibrées, cueillies à la main gantée dans les vergers de luxe et vantées sur papier glacé. Xavier Bouguenec demande autre chose aux pommes, et d’abord un surcroît d’émotion et d’histoires, de souvenirs et de légendes. Lui veut des pommes humbles, « des balafrées par les oiseaux, des ramassées dans l’herbe (...) des ratées qui me ressemblent, des en forme de fesses... ». C’est plutôt réussi, on le suit avec plaisir sur cette sente, un peu enivrés par le souvenir suri de ces pommes « qui se pourrissent tranquillement l’âme et les pépins ».
Alain Kewes – Décharge n°155