CRITIQUES
Ce livre déroule ses poèmes en deux séries parallèles qui peuvent se lire en continuité ou en alternance. Ce procédé permet au lecteur une approche intimiste de l’univers de Lise Lundi-Cassin. Le repli nocturne sur son catamaran lui sert à s’isoler dans le silence et la solitude souvent meublés par les lectures fertiles d’œuvres poétiques comme celles de Char ou de Jaccottet car elle reste amarrée à l’ancre de leurs mots. Cet isolement, c’est aussi une immersion dans les souvenirs suivie d’une lente remontée avec nécessité d’un temps dans le caisson de décompression. Les belles photographies de Claude Burneau accompagnent ces poèmes où le regard s’aiguise à chaque page, regard que Lise Lundi-Cassin porte sur toutes sortes de gens, dans des salles d’attente ou des salons de coiffure, à la poste ou au restaurant. Le titre de ce livre trouve une justification dans cet aller-retour entre foule et solitude. L’ambiguïté est définitivement levée en observant les deux photos de couverture, recto et verso, photos où les deux silhouettes sont séparées puis réunies. Entre les jours et mes nuits je jette les mots aux courants incertains, mots emportés au large, mots engloutis par la mer et l’oubli, ou mots retrouvés par une mémoire fidèle, l’œil rivé à l’œilleton d’un hublot, braqué sur le monde.
Georges Cathalo - Revue Rétro-viseur
Un livre à deux voix. Celle du jour : des croquis pris sur le vif du quotidien. Celle des nuits : journal nocturne d’un marin solitaire à bord de son catamaran sous couette. De petits textes. Chacun avec son émotion. Chacun semble interroger le lecteur : qu’est-ce qu’une vie ? est-ce que c’est une vie ? ces petits riens qui agacent, qui sourient… qu’on ne voit même pas, même plus… et pourtant…
Ça invite à la tolérance ce livre là. A l’ouverture : la seule qui compte celle qui nous ouvre à l’autre, à sa réalité ; à son humanité. Au respect.
Oui tout ceci ça fait beaucoup de vie. Faudrait demeurer à cette hauteur là : vivre à hauteur de vie !
Les photographies en noir et blanc fondent le texte. Tout ceci tient bien en page. Et ce n’est pas la moindre des réussites du livre que de marier ainsi aux jours et aux nuits, des fragments d’images du quotidien.
Patrick Joquel
On a d'abord plaisir à feuilleter le livre, en se laissant prendre à la beauté des photographies ; sans besoin de saisir les fils qui s'entrecroisent.
Ensuite nous appelle le texte. En haut des pages, " le jour " évoque la vie du dehors : désordre, bruit, folie des hommes dans la vie publique. Le bas des pages " mes nuits " renvoie à l'obscur, à l'intime du dedans avec ce rêve d'un catamaran dont les mots tiendraient la barre ... feraient face aux lames de fond.
Le liseré d'une couette tiède et complice suffit à nous embarquer avec une fleur de soie qui danse quand se secouent les voiles. Certes parfois se lève le pavillon noir mais il est possible de prendre le large avec à bord les livres des poètes.
Claude Burneau se saisit d'un élément du jour ou de la nuit, le déplace de son contexte, et dans une vue panoramique ou macroscopique offre sa vision singulière du monde dans une harmonie de noirs et de blancs, avec parfois une note sensuelle (le pli d'un drap ou d'une nappe).
Un entrecroisement de deux regards sur les petites et grandes choses du quotidien.
Jacqueline Persini-Panorias, pour Poésie Première
... [Lise Lundi-Cassin] a signé plusieurs recueils et des ouvrages de correspondances où elle témoigne des rudesses des parcours terrestres, du besoin -simplement humain- que chaque être ressent de se ressourcer auprès de la nature et des autres. Avec son nouvel ouvrage Les jours mes nuits, Lise Lundi-Cassin poursuit cette exploration de ce qui doit être l'essentiel de la vie, jouant ici de l'alternance des rencontres simples, banales des périodes diurnes, avec les silences, la solitude des plages nocturnes où elle se trouve dans son catamaran (son lit). Cette suite de paysages intérieurs, où alternent les séquences souriantes, la nostalgie, mais aussi par moments une forme de jubilation contenue, est mise en forme par un judicieux accompagnement photographique : les clichés de Claude Burneau en noir et blanc, avec toute une tonalité de grisés, appuient un propos, renforcent un sourire, ponctuent une histoire. Les jours mes nuits sont un peu une mise en lumière de ce qui anime tout être, dans ses profondeurs intimes.
C.D. - Courrier de l'ouest
Entre les jours et mes nuits, je jette les mots aux courants incertains. Se mêlent sur chaque double page un poème sur le jour (en haut, scènes de la vie quotidienne), un autre sur la nuit à bord d’un catamaran (en bas). Les relie une composition photographique de toute beauté en noir et blanc, souvent en macro. Ainsi, on croise sur la route un cadavre d’animal (photo d’une lisière de fourrure et le granuleux du macadam), un tournesol isolé au bord d’une route (macro des pistils). L’auteure met en scène des personnes de la vie courante, une femme dans un salon de coiffure, un couple de 60 ans au resto (en photo, macro d’un pliage de serviette), un couple d’amoureux au bord de mer, l’employée qui pèse les légumes au supermarché, une dame âgée et un jeune qui éclatent de rire sous l’abribus... La nuit, la narratrice investit son catamaran en des soirées lectures, cette nuit, les mots des autres tiendront la barre... Ce soir Philippe Jaccottet est à bord./Retour sur la Semaison III des Carnets... J’ai navigué ce soir avec un Hongrois:lmre Kertèsz... Patrick Modiano... Jean Tardieu. Tout un parcours de lectures !
Soulignons à nouveau la qualité et la créativité des photos de Claude Burneau qui réinterprètent le texte, le prolongent, assurent une véritable mise en scène des poèmes en vers ou prose poétique. Un livre à vivre, à habiter ! Une véritable réussite !
Lycée. O. B. - Revue Inter CDI
Il y a le haut du livre : une petite fille hurle dans un caddie, une vieille dame sert de la viande hachée et des yaourts à la caisse d’un supermarché. La vie quotidienne, quoi ! Et puis il y a le bas de la page, où l’on retrouve Lise dans la solitude de sa chambre, sur son lit « catamaran », « maître à bord d’un bateau sans équipage ». Elle y évoque les « bulles » dans sa tête, les idées noires, les roulis de la solitude. Entre les deux, les images de Claude Burneau, déconcertantes, décalées. Cela donne un livre de vie, livre de veille, exigeant, très écrit, à dominante grise, comme le quotidien de Lise, qui ne cache pas sa douleur à porter sa solitude.
« En fin de saison, les regards se font plus rares ».
Un livre à lire, à voir, et à méditer.
Yves Viollier
Deux regards parallèles, deux histoires parallèles, deux temps, deux univers : celui du jour, temps du social et celui de la nuit, temps de la solitude, de l’intime ; c’est ce que nous présente Lise Lundi-Cassin dans ce livre à la belle plastique. Les textes de l’auteur sont dans l’écrin des œuvres de Claude Burneau, s’inscrivant sur les photographies de celui-ci. Pour vous donner une idée de ce que cela rend : le format du livre est 170 x 260 cm ; les photographies sont pleine page et les deux textes s’inscrivent l’un en haut de la page (les jours) et l’autre en bas de page (mes nuits).
Les jours sont comme des instantanés pris sur le vif du sujet ; mes nuits est plutôt d’essence du journal intime d’une navigatrice sur un voilier. Les deux thèmes se rejoignent à la fin du recueil sur une page blanche :
Entre les jours et mes nuits je jette les mots aux courants incertains
l’estran brille sous la lune
flux et reflux
comme le bois flotté sous un ciel d’ecchymoses
ne pas demeurer.
Lise Lundi-Cassin nous invite à lire ses perceptions de « vie » sociale – je mets des guillemets parce que souvent elle nous montre des instants où la vie s’est absentée – où les protagonistes semblent pris dans des filets dont ils ne savent pas se sortir, en ont-ils conscience ?
Tous les jours il arpente les rues de la ville. Il marche à longs pas glissés, coiffé selon le temps d’un béret rouge ou jaune, assortit à son blouson.
Il grommelle parfois des insultes en croisant les passantes.
Il a de longs bras et remorque régulièrement un grand cabas gonflé qui effleure le bitume.
Personne ne sait ce qu’il transporte.
La femme vient de changer de trottoir.
Dans mes nuits, l’univers est tout autre, plus intime, plus près de la vie intérieure de cette femme qui vit sur un catamaran.
Dimanche 15 août.
Sentiment d’être amarrée au bord d’une île déserte.
Malgré le soleil qui inonde la passerelle,
je crochète des idées grises en rêvant de mascaret.
Il y a une humanité qui transparaît dans ce recueil qui est due au décalage entre les deux univers, car nous avons tous à vivre ce temps du social, aux conventions, aux rites définis, alors que le soir vient le temps où notre univers intime, notre imaginaire peut vivre.
J’en veux à Patrick Modiano.
Invité à bord ces derniers soirs, il a réintégré la cargaison,
Me laissant en proie au ressac de son « accident nocturne ».
La lumière artificielle fait ressembler la cabine à une coque d’œuf anémié.
« La vie est un éternel retour » fait-il dire au mystérieux Monsieur Bouvière.
Comme son personnage, moi aussi j’aurais préféré
« la légèreté du bonheur à la profondeur des sentiments. »
On ne boude pas son plaisir à lire ce livre où les œuvres de Claude Burneau dialoguent vraiment avec les textes sans chercher à illustrer. L’écriture est vive, croquant l’instant, nous en disant l’essence. L’instant dit n’est jamais clos et laisse ouverts des possibles. C’est le genre de livre qui laisse plein d’images dans votre tête et qui continue à vivre en vous pendant un bon moment.
Gilbert Desmée (21/08/08) Encres Vagabondes
Qui, de Lise Lundi-Cassin la poète ou de Claude Burneau le photographe, domine ce livre au si beau titre? Les éditions Soc et Foc, décidément, s’affirment dans le paysage éditorial et dans la qualité de l’objet-livre - ou plutôt du livre-objet.
La mer, le bateau, l’amour : c’est le temps des soldes.., mais aussi la lecture, de la rêverie, de l’amertume amoureuse - ou de l’amour amer, en mer, à l’amer? - La nuit est trop avancée pour risquer une fusée de détresse.
Fausse douceur des larmes - trop salées. En noir et blanc malgré les vagues
Ici & là n°9 – septembre 2008
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Écrivain : Lise LUNDI
Lise Lundi anime des ateliers d’écriture auprès d’adultes et de jeunes en insertion à Cholet, La Roche-sur-Yon, Les Herbiers...
Elle est membre des éditions Écho-optique (Les Herbiers).
Elle a publié :
D’une rive à l’autre, Écho-optique, 1991.
Mais pourquoi l’oiseau, À contre silence, 1993 .
Béhuard, Le Typograph, 1994 .
La petite fille de l’école des sœurs, Écho-optique, 1995 .
Lettres du temps qui passe, correspondance avec Régine Albert, Geste Éditions, 1998.
La Sèvre pour le dire, Écho-optique, 2001.
Sur l’autre rive les papillons sont blancs, illustré par Georges Vrignaud, SOC & FOC, 2002.
Les jours mes nuits, environné des photographies de Claude Burneau, SOC & FOC, 2008.
Béhuard,dentelle de mémoire, illustré par Clo', SOC & FOC, 2016. ...
| | Illustrateur : Claude BURNEAU
Claude Burneau vit dans le bocage vendéen où il anime depuis 1979 les Éditions SOC & FOC. Il est aussi auteur, conteur, photographe et animateur d’ateliers d’écriture.
Il a écrit des pièces de théâtre pour enfants et jeunes disponibles sur son site Internet.
Il est l’un des 31 poètes du pays nantais présentés dans la revue “Signes” n° 25, éditions du Petit Véhicule, 2005.
Il a aussi participé à des ouvrages liés aux histoires de vie dans une perspective d’éducation populaire :
Histoires de vie et éducation populaire, sous la direction de Marie-Jo COULON et Jean-Louis LEGRAND, L’Harmattan, 2000
Une petite république en Vendée, d'après Renée Poupin et Sylvette Sarrazin, Geste éditions, 2005
Dernières publications personnelles :
Par monts et par mots, illustré par Gyôm, SOC & FOC, 1997
Instants d’Yeu, textes et photographies, Pays d’herbes, 2006.
Ce dernier recueil fait l’objet d’une exposition photographique depuis 2007.
En 2008, il accompagne en photographies les textes de Lise Lundi-Cassin ...
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