CRITIQUES
De livre en livre Chantal Couliou construit une œuvre attentive au monde. J'aime cette présence discrète. Cette attention. Cette densité d'attention et de présence. Les haïkus de ce livre sont ainsi. Tournés vers la mer. Vers les eaux du bas autant que celles du haut. Et malgré les vents, les nuages, les gris, les bleus ou l'écume, l'auteur saisit les beautés de l'instant fragile pour les déposer le temps d'une lecture et de ses songes sur le papier. Trois vers. Quelques mots. Et tout le reste silence autour et dans le lecteur. Les images de Nelly Buret offrent régulièrement un espace où perdre le regard. C'est dans ces espaces de musement que naît la poésie. Quand on se laisse gagner par le musement. Et que résonne en soi l'émotion des mots, des images et que l'on se tient tout entier suspendu au livre.
Patrick Joquel
à fleur de silence, c'est une strophe de trois vers (haïku), avec deux vers courts en bordure et un plus long central. Les thèmes traités en si peu de mots pourront se cristalliser sur les saisons, l'élément marin prégnant chez cette auteur, les chats... On retrouve toute la grâce qui règne dans les miniatures, l'élégance furtive des fioritures; on regrette parfois de s'arrêter chaque fois si vite en chemin, d'autant que les tentatives sont multiples, mais c'est le jeu et la juste proportion. Il n'y aura pas la moindre lettre à rajouter à la césure possible, à l'enjambement visible, sous peine de briser le charme et de cueillir définitivement le silence qu'on tutoie en permanence.
Jacmo - Décharge n° 136 - Décembre 2007
Quel poème est plus proche du silence que le haïku ? Cette petite forme se fait chambre d'écho des attentions multiples que l'auteur porte sur le monde tout proche.
Alain Boudet
Ouvrage magnifique tant par l’écriture que par la présentation et l’iconographie.
Le haïku qui est à l’honneur avec l’ouvrage de Chantal Couliou, magnifique et tout en touches délicates: « Au fil des saisons / la légèreté des fruits / en déconfiture. »
Yves Artufel – Liqueur 44 – N° 77/76 Hiver 2007
Avec la taille-douce, le collage, la couture, Nelly Buret tricote des illustrations qui portent loin les haïkus de Chantal Couliou. Au fil des saisons, s’égrènent les sensations suscitées par le monde visible. Mais sous la neige, la pluie, le brouillard se disent la colère, la solitude mais aussi le désir de caresses.
Puisque le vent reprend la parole, la vie se poursuit au ras des eaux ou de bonds en bonds et même un jour se découvre une île au hasard.
L’insolence du mimosa ne fait oublier ni le froid du clochard ni le sourire édenté du joueur de violon. Malgré les dialogues de sourds, les rendez-vous manqués, les pétales de cerisiers et la saveur de l'abricot ne nous convient-ils pas à une gorgée de soleil ?
Quand le boulanger a sommeil, et que la lune effrontée s’esquive, un instant, on peut avec elle jouer à cache-cache, comme un enfant. Même si à tout moment le loup risque de surgir dans le creux de la nuit... Petits et grands le savent.
Jacqueline Persini-Panorias - A paraître dans Poésie Première
Tout le charme du haïku japonais, de simples signes rassemblés en petits tas, dont l'ampleur émaille la feuille, quelques graines clairsemées au grand large de la plaine arable qu'est la page blanche, et voici que tout à coupelles éclatent et se mettent à germer pour se donner du sens et prendre allure de fulgurances captées par la magie du verbe, fugaces images du kaléidoscope personnel de Chantal Couliou.
Sur la pointe des pieds
à travers un rideau d'arbres
une île au hasard
Fenêtres ouvertes
sur l'appel des sirènes
voyage sans retour.
A. P. Lire en Vendée
Un livre élégant, le travail de collage de N. Buret est tout à fait singulier, et les haïkus font découvrir un lieu.
La fraîcheur de l'air
dans l'embrasure de la fenêtre
clin d'œil à l'hiver
Sur la pointe des pieds
à travers un rideau d'arbres
une île au hasard
sous l'abribus
des bouteilles à ses pides
la vie d'un homme
Gong n° 18 - janvier 2008
Un bel objet que ce livre, trois haïkus par page, quelquefois un seul en regard de l’illustration très plastique de Nelly Buret : dessins géométriques, morceaux de cahier, de cartes, le tout plutôt abstrait, mais faisant signe aux éléments en furie. En effet, c’est surtout l’hiver dont il est question :
Roulis infernal
le vent se cogne aux fenêtres
fin de sa cavale.
Janvier en robe de mariée, l’étreinte de la tempête, la rade de Brest, les mégalithes, le tapage des goélands. L’univers marin est saisi sur le vif :
Entre deux façades
une échappée
*où s’engouffre l’océan.
Puis vient la fin de l’hiver :
Confettis jaunes
au milieu du jardin
l’éclat du mimosa.
Après les frimas, l’été :
Au bout de la rue,
la lune a les pieds dans l’eau
bain de minuit.
Un livre pour picorer le haïku au fil des saisons !
Inter CDI - O. B.
L’écriture de haïku relève des souvenances d’impressions, de ressentis et toutes autres sensations eues lors de pérégrinations en quelque lieu que ce soit. Chantal Couliou à l’art de faire vivre ses sensations et de nous donner à lire des petits bijoux ciselés par son imaginaire en verve. Dans à fleur de silence, Chantal Couliou éclaire les différents lieux où elle passe (une rue, la cour d’école, un lieu de vacance, ce qui est vue de sa fenêtre, etc.) de son empreinte par la magie de sa perception. Le temps s’écoule, sans dramaturgie excessive. Ici, l’espace/temps est regardé pour ce qu’il est et non pas en fonction de telle ou telle exigence de l’humain.
Sur les hauteurs enneigées
la solitude de la pierre
et la colère du vent
Nous sommes dans la contemplation du temps qui passe, les haïkus de Chantal Couliou présentent soit une perception visuelle, soit la perception d’un décalage entre deux temps.
Dans la cour d’école
l’insolence du mimosa
un feu d’artifice
Quand les croissants sont chauds
la lune s’esquive
le boulanger a sommeil
La lecture de ces haïkus peut être troublée si l’on tente de lire les poèmes en enfilades. Prenez le temps de lire chaque haïku pour ce qu’il est et le bonheur de lecture s’amplifie, donnant toute leur plénitude à notre esprit.
Sur la pointe des pieds
à travers un rideau d’arbres
une île au hasard
Merci à Chantal Couliou pour ce moment de lecture apaisée qu’elle m’a procurée et pour la beauté de son verbe. Il me faut vous signaler l’intéressant travail de Nelly Buret qui converse agréablement avec les haïkus de Chantal Couliou.
Gilbert Desmée (20/08/08) - Encres vagabondes |
Écrivain : Chantal COULIOU
Chantal COULIOU est née à Vannes en 1961. Professeur des écoles à Brest.
Membre de la Charte des Auteurs et Illustrateurs pour la jeunesse.
Recueils :
Poésie
Rapa Nui, éditions Rafaël de Surtis, 2012
Le vieux vélo de Jules, haïkus, éditions La Renarde Rouge, 2010
À cloche pied, Tertium éditions, 2009
Géographie de l’eau, éditions Corps Puce, 2009
Le soleil est dans la lune, éditions Corps Puce, 2008
Pour apprivoiser le vent, S’éditions, 2008
à fleur de silence ( haïkus), 2007, SOC & FOC
Carnets de petits bleus à l'âme, 2004, Les carnets du Dessert de Lune
L'avancée des jours, 2004, Éclats d'encre
Point d'attache, 2003, Gros textes
Saint-Denis, fenêtres ouvertes/ en collaboration avec le photographe Pierre Douzenel, 2003, PSD
Jours de pluie ( jeunesse), 2003, Club zéro
Lettres à Yvan,2003, La Porte
Il y a des jours, 2001, Fer de Chances
Des chemins de silence, 2000, Blanc Silex
Petits bonheurs ( jeunesse) Le Dé...
| | Illustrateur : Nelly BURET
Nelly Buret vit à Angers et enseigne les arts appliqués à Paris.
Elle célèbre, dans ses carnets et ses gravures, les objets compagnons qu’elle glane depuis l’enfance : pierre trouée, carte de géographie élimée, textile grignoté, vieux papier taché, plastique échoué, épave érodée, photographie ancienne. Ces éléments matériels lui servent de repères tactiles, de mémoire des lieux qu’elle a visités ou d’événements traversés. Dans son travail, elle explore les interconnexions entre le passé et le présent, le personnel et le communautaire, le banal et le sacré.
Les carnets et livres d’artiste qu’elle réalise sont des catalogues affectueux, humbles et poétiques où la trouble préciosité de la décomposition s’affirme. Les images s’échappent à mesure qu’elles se donnent, recueillent des existences disparues et égarent la vision.
Elle effectue régulièrement des résidences d’artiste, ce qui lui permet de déployer son travail de taille-doucière et de s’immerger au plus près des lieux qui l’accueille...
|
|